Critique : La Bataille de Solférino

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la-bataille-de-solferino-afficheLa Bataille de Solférino

France : 2013
Titre original : La Bataille de Solférino
Réalisateur : Justine Triet
Scénario : Justine Triet
Acteurs : Laetitia Dosch, Vincent Macaigne, Arthur Harari, Virgil Vernier
Distribution : Shellac
Durée : 1 h 34
Genre : Drame, comédie
Date de sortie : 18 septembre 2013

Globale : [rating:4][five-star-rating]

Avec La bataille de Solférino, à 35 ans, la réalisatrice Justine Triet se lance dans le long métrage de fiction après 3 documentaires et un court-métrage de fiction, Vilaine fille, mauvais garçon, très bien reçu au Festival de Berlin 2012. Réalisé en 2007, son 2ème documentaire avait pour titre Solférino et elle y observait la fabrication de l’événement que représente une élection présidentielle. 5 ans plus tard, elle profite d’une nouvelle élection présidentielle pour mettre en parallèle la coupure au sein de la société française au moment des élections et celle qui peut exister dans un couple après une séparation.

Synopsis : 6 mai 2012, Solférino. Laetitia, journaliste télé, couvre les présidentielles. Mais débarque Vincent, l’ex, pour voir leurs filles. Gamines déchaînées, baby-sitter submergé, amant vaguement incrust, avocat misanthrope, France coupée en deux : c’est dimanche, tout s’emmêle, rien ne va plus !

LBDS_PHOTO_02La petite histoire rencontre la grande

6 mai 2012. Lætitia est journaliste dans une chaîne TV et elle doit couvrir la proclamation des résultats de l’élection présidentielle depuis la rue de Solférino, en face du siège du Parti Socialiste. Elle est séparée de Vincent, un dessinateur de BD avec qui elle a eu 2 filles, et elle a un nouveau compagnon, Virgil. Pas de chance : voici que, le 6 mai au matin, Vincent se pointe, avec un papier du juge qui l’autorise à voir ses filles le 5 et le 6 mai. Pour Lætitia, Vincent, qui sort d’un séjour en HP, est un homme violent et elle refuse obstinément qu’il puisse approcher leurs filles hors de sa présence. De plus, le juge autorisait une visite commençant le 5 mai et on est le 6 ! Résultat : vues les circonstances, pour la visite de Vincent à ses filles, c’est négatif et, en plus d’exiger une très grande vigilance de la part de Marc, le baby-sitter qui va s’occuper des filles, elle prévient son voisin du dessous de venir aider Marc si jamais Vincent insiste pour entrer dans son appartement. Nous voilà partis pour un film à la fois délirant et très maîtrisé, un film amalgamant intelligemment petite histoire et grande histoire. En effet, Justine Triet se débrouille pour amener Marc et les filles à rejoindre Lætitia rue de Solférino, au milieu d’une foule de militants tout d’abord excités lorsqu’ils sont dans l’expectative puis déchaînés dans la victoire. Bien entendu, Vincent a suivi et Lætitia doit arriver à assurer son direct tout en gérant son problème personnel. Dans la dernière partie, où l’on retrouve l’appartement de Lætitia, le ton s’apaise peu à peu en présence d’Arthur, un « presque avocat » ami de Vincent et de Virgil, le compagnon de Lætitia, tout en douceur et en humour.

LBDS_PHOTO_19Le pari difficile du tournage en direct

Il est évident que le spectateur de La Bataille de Solférino a tendance à retenir avant tout la partie du film qui se déroule dans les rues de Paris, aux alentours de 20 heures, le 6 mai 2012. Il faut savoir que tout ce qu’on voit a été tourné sur le vif à ce moment là, en utilisant 8 caméras réparties autour du siège du PS, de celui de l’UMP et à la Bastille, 8 caméras qui filmaient simultanément : une situation impliquant la présence de 8 chef opérateurs et une réalisatrice obligée de laisser 7 d’entre eux se débrouiller sans elle. Au final, 25 heures de rushs ont été tournés et, après montage, une séquence du film qui donne à la fois l’impression d’une grande improvisation tout en étant parfaitement maîtrisé. En fait, tout ce qui est important dans le cadre du scénario était écrit et avait été répété plusieurs fois. Tout avait été fait pour que Lætitia soit prise pour une véritable journaliste par les militants qui l’entouraient au moment du tournage. Le résultat est totalement bluffant avec cette présence de 10 000 figurants qui, en toute innocence, mettent leur grain de sel dans l’action du film. Toutefois, l’intérêt du film ne se limite pas, loin de là, à ce tour de force. En alternant scènes comiques et scènes tendues comme un arc, il montre que, quand un couple se sépare, les choses peuvent tourner très mal à cause de quelques détails ; il montre en Lætitia une femme qui, en prenant sa liberté, est devenue très dépendante de son entourage, une femme hyperactive qui, comme le dit Justine Triet, a « passé la troisième avant d’avoir mis la seconde », une mère hyper inquiète et, à ce titre, très pénible ; il montre en Vincent un homme quelque peu à côté de ses pompes, un homme loin d’être méchant mais qui s’énerve facilement, en particulier lorsque quelqu’un(e) vient contrarier le scénario qu’il a imaginé. Même s’il est évident que Justine Triet s’est amusée à dresser ce parallèle entre la France et ce couple, tous deux coupés en deux, il ne serait pas pertinent d’aller plus loin dans la comparaison en imaginant que Lætitia est, dans ce couple brisé, la représentante d’un des camps politiques, Vincent étant le représentant de l’autre camp.

la-bataille-de-solferinoUn excellent casting

Pour réussir son difficile pari, il était indispensable pour Justine Triet d’avoir devant la caméra des comédiens tout aussi à l’aise en « improvisation préparée » au milieu d’une foule exultant un soir d’élection que dans l’exercice plus traditionnel des querelles entre époux séparés.Pari gagné ! Lætitia Dosch, elle la connaissait pour l’avoir faite tourner dans : Vilaine fille, mauvais garçon. Elle est d’une très grande justesse. Vincent Macaigne, elle a appris à le connaître. C’est le comédien français qui monte : présent il y a peu dans La fille du 14 juillet, on le reverra prochainement dans 2 automnes, 3 hivers, un film d’une grande inventivité, présent à Cannes dans la sélection ACID, tout comme, d’ailleurs, La bataille de Solférino. Il n’est pas sans rappeler Gérard Depardieu du temps où il était un grand comédien. Pour interpréter les rôles secondaires mais très importants d’Arthur et de Virgil, Justine Triet a fait appel à deux amis à elle, par ailleurs réalisateurs, Arthur Harari et Virgil Vernier. On remarquera en passant que chacun des personnages du film porte le prénom du comédien qui l’interprète. Quant à la musique, Justine Triet entretient un rapport très particulier avec elle : 10 ans de piano, une grande passion pour la musique mais … une approche sur la pointe des pieds pour son utilisation dans des films, consciente que, très souvent, elle peut entraîner le ton d’un film dans une direction non souhaitée. Dans La bataille de Solférino, on est surpris d’entendre sur les génériques la voix de … Ryan Gosling. Cet acteur est en effet un des 2 fondateurs du groupe Dead Man’s Bones et l’on entend ici chanter « Lose Your Soul ». Autre curiosité, une musique qu’on entend à plusieurs reprises dans le film : un extrait du prélude N°2 BWV 847 en do mineur, extrait du « Clavier bien tempéré » de Jean-Sébastien Bach, joué ici à la … guitare électrique par Cyril Brongniart. Plus classique, un morceau de Chopin permet à Vincent et à Arthur de confronter leur opinion à son sujet.

Résumé

Le Prix du Public attribué à La Bataille de Solférino au Festival Paris Cinéma 2013 n’est vraiment pas usurpé. L’entreprise consistant à filmer un épisode important d’une fiction au milieu d’une foule en délire n’était pas évidente, elle est pleinement réussie. Justine Triet dirige parfaitement d’excellents comédiens et, même si le scénario n’est pas vraiment neuf, la façon dont il s’imbrique dans un événement historique permet amplement de le dépoussiérer et de faire de La Bataille de Solférino un des événements de la rentrée.

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