À l’occasion de la sortie de Livide, début 2012, nous avons eu l’occasion d’interviewer les 2 réalisateurs Julien Maury et Alexandre Bustillo présent lors du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2011. Le duo revient sur son précédent film d’horreur, À L’intérieur et la vague qu’il a créé, mais aussi sur leurs expériences à l’international et le tournage de Livide, leur dernier film présenté en exclusivité européenne durant le festival.
Critique-film : Vous avez affirmé dans une interview récente au festival de Toronto que, hormis vos amis et vos parents, il y avait probablement peu de personnes impatientes de voir votre prochain film. On proteste ! Nous faisons pourtant partie d’un public très reconnaissant de votre apport au cinéma français. Comment s’est passé l’accueil à l’international ?
Julien Maury : Niveau international on a fait que Toronto pour l’instant où l’on a pu voir la presse américaine et nord américaine. Effectivement là-bas il y avait une très grosse attente pour la projection de Livide qui nous a mis une pression folle probablement due à notre précédent film À l’intérieur qui a eu un très gros succès aux USA.
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Critique-film : D’un point de vue international est-ce que vous avez le sentiment de vous inscrire dans un mouvement de french touch du cinéma de genre ?
Julien Maury : A Toronto on nous a beaucoup parler d’une french touch mais nous on a pas du tout l’impression d’être dans une nouvelle vague car vu de l’intérieur on n’a pas l’impression qu’il existe une émulation commune. Tout le monde bosse de son coté et ça reste très difficile de réaliser un film de genre en France. On est flatter d’être comparés à Alexandre Aja ou Pascal Laugier mais on ne les connait pas tous. De là à parler d’une réelle émergence ou d’un mouvement je pense pas.
Alexandre Bustillo : En plus ils arrêtent tous de faire des films d’horreur comme Fabrice du Welz (Calvaire) qui fais désormais un polar avec François Cluzet. On a fait une réunion chez canal + il y a 10 jours avec tous les french frayeur, les réalisateurs de notre génération qui ont fait des films d’horreur (Frontière, Captif, Le Village des ombres...) et le constat était le même pour tous, ils veulent tous arrêter de faire des films d’horreur car c’est trop dur et il n’y a pas assez d’argent. Tout le monde se tourne vers d’autres projets : comédies, films d’action… pour accéder à des films à plus gros budget. Nous on était le contre-exemple car on veut continuer à en faire avec Livide. Pascal Laugier aussi, mais lui fait des films à plus gros budget aux États-Unis avec The Tall Man (avec Jessica Biel).
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Critique-film : Lucky mcKee se disait admiratif du « courage » dans la radicalité des films d’horreur français. Il y a un paradoxe entre les blockbusters américains qui cartonnent en France comme Saw et les films de genre français snobés par le public.
Julien Maury : Je pense qu’une partie de l’explication est que le public pense que, vu que c’est français, ce sera cheap. De plus les films français ont souvent de très petits budgets et sont des premières réalisations, donc ce sont des films qui tâtonnent avec les erreurs. Forcément c’est difficile de tenir la comparaison mais c’est pour ça qu’on a tourné Livide, pour proposer quelque chose de plus ambitieux et tirer le maximum de notre budget qui était le même que pour À l’intérieur : 2 millions d’€.
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Critique-film : Vous aviez réalisé A l’intérieur comme un slasher sans concession que vous auriez aimé pouvoir voir en salle. Avec quel angle d’attaque avez-vous abordé l’écriture de Livide ?
Alexandre Bustillo : Quand tu regardes tous les films d’horreur produits depuis Haute Tension jusqu’à maintenant, ils sont tous ancrés dans une réalité tangible. Martyr, Frontières, À l’intérieur, Ils, Proie pourraient tous être tirés d’histoires vraies. On n’avait pas envie de revenir dans une cave pour torturer une femme au chalumeau. On voulait renouer avec le vrai fantastique, avec des créatures. Il y a eu des tentatives comme Le Village des ombres et Derrières les murs, mais ils n’assument pas et se dédouanent à la fin en revenant dans la réalité. À L’intérieur était un vrai remake au slasher américain et un hommage au Giallo, mais on aime aussi les films fantastiques et on voulait en faire un qui soit ancré dans la culture française. Trancher avec A l’intérieur.
D’ailleurs quand on préparait À l’Intérieur, on nous disait que c’était dégueulasse et over the top. En préparant le film on a ouvert le journal un matin et au Japon il s’était passé le climax de notre film, une femme avait éventré une femme enceinte, le fœtus a été enlevé et à la place, pire que nous, le fœtus a été remplacé par une poupée de Mickey.
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Critique-film : Le développement de l’intrigue se veut carrément naturaliste dans sa première demi-heure et apporte une épaisseur intéressante aux personnages. Est-ce une façon de développer votre intrigue pour le climax qui suit un exercice de style, pour peut-être imaginer faire plus tard des films qui échapperaient à une logique fantastique ?
Julien Maury : L’idée c’était de préparer le climax. Ancrer le film dans la réalité pour ne pas perdre le spectateur derrière. Prendre notre temps pour installer nos personnages. En plus le cinéma de Chabrole on aime beaucoup, on revendique le coté français du film et on voulait décrire une famille de classe moyenne de province.
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Critique-film : Vous avez atténué la violence graphique des scènes de meurtre. Est-ce pour toucher un public plus large ?
Alexandre Bustillo : Non c’est vraiment l’envie de proposer un film fantastique, d’ailleurs Livide propose des scènes violentes, mais vu qu’on est sur un postulat fantastique elles apparaissent forcément moins fortes.
Julien Maury : Vu que c’est sur des créatures fantastiques qui n’existent pas c’est moins violent. On voulait changer de registre et ne pas proposer un À L’intérieur 2. Faire de la violence plus justifiée et ancrée dans l’histoire.
Alexandre Bustillo : La question en suspens au sujet de cette violence est : est-ce qu’on sera interdit aux moins de 12 ou aux moins de 16 ans, mais on espère être dans la tranche moins de 12 ans.
Attention Spoiler !
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Critique-film : Vous avez fait le choix de la Bretagne pour développer votre intrigue et y glisser quelques éléments de mythologie celte. Vous pouvez nous en dire plus sur le choix de cet environnement ?
Alexandre Bustillo : On adore la Bretagne mais on voulait surtout raconter une histoire fantastique sur une terre gorgée de légendes mais sans exploiter ses propres légendes. Ça permet d’apporter un climat plus réaliste et un aspect plus campagne et moins urbain.
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Critique-film : On sent que vos films sont riches en inspirations et que vous cherchez à cuisiner un maximum d’influences à votre sauce. Pour ce film le manoir nous plonge dans une ambiance de conte gothique à la poésie macabre. On en arrive à se demander si les influences littéraires (Poe, Lovecraft…) n’ont pas été prédominantes pour Livide ?
Julien Maury : C’est un peu la résultante de plusieurs influences. Le manoir hanté est un classique du genre et on voulait tourner notre propre film de maison hanté.
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Critique-film : Encore une fois, on a le plaisir de vous voir mettre en scène des actrices formidables comme Catherine Jacob ou Marie Claude Pietragalla. Qu’est-ce qui vous pousse à toujours mettre en scène des personnages féminins ?
Alexandre Bustillo : Les films d’horreur, c’est quasiment toujours une femme confronté au mal. C’est toujours plus fort de mettre une femme pour provoquer l’empathie du spectateur. A l’exception de Predator qui met une bande de commandos balaises en proie à plus fort qu’eux et qui deviennent de vraies fillettes devant le monstre, mais ça c’est la force du film de John McTiernan.
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Critique-film : Et les mecs hurlent moins bien que les femmes…
Alexandre Bustillo : Oui, et on est des mecs et on aime les femmes et c’est toujours plus agréable de filmer des femmes. Mais on est en train d’écrire un film où les protagonistes seront masculins.
Critique-film : Et c’est de nouveau du trash ou plus du fantastique ?
Alexandre Bustillo : Un film d’horreur parce que c’est notre genre préféré. On est des enfants gâtés et on ne changera pas notre style de film.
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Critique-film : Concernant la traditionnelle question de la conquête des Amériques… Vous pouvez nous en dire plus sur votre refus d’adapter Hellraiser à l’écran et le remake US d’À l’intérieur ?
Julien Maury : Un remake d’À l’intérieur est en préparation et sera tourné l’année prochaine. On ne voulait pas le réaliser. C’est Jaume Balaguero qui va le réaliser et on est hyper fier qu’un réalisateur de son expérience comme lui tourne le remake d’un de nos films. Un remake de Livide devrait également voir le jour.
Pour ce qui est des USA on n’est pas fermé mais sur Hellraiser ce qu’il s’est passé c’est que Dimension nous a proposé le reboot juste après À l’intérieur. On est allé voir Clive Barker (l’auteur et réalisateur du premier Hellraiser) qui était emballé par nos idées. Puis les producteurs on souhaité faire un film plus grand public, il y a eu de petits changement insidieux : l’héroïne est devenue plus jeune, ils ont voulu modifier le script puis ils ont voulu bosser avec d’autres scénaristes qui sont arrivés avec un script totalement différent. On a donc décider de ne pas poursuivre le projet et de nous retirer.
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Critique-film : Étonnant que vous ne souhaitiez pas réaliser vos propres remakes qui vous ouvriraient les portes outre-Atlantique…
Alexandre Bustillo : on n’a jamais voulu percer outre-Atlantique. Ce qu’on veut faire, c’est des films qui nous plaisent, si toute notre vie on fait des films à 2 millions d’€ en France (Budget d’À l’intérieur et Livide) on serait content. A titre d’exemple, on nous a proposé le remake des Griffes de la nuit avec un budget de 15 millions de dollars mais on a refusé parce que le scénario était mauvais. On n’est pas carriériste, on privilégie la qualité. On voulait faire un film plus dur sur un Freddy pédophile qui traque une bande d’enfants, un reboot avec une autre vision, plus malsaine.
Critique-film : Pensez-vous que le Web soit une aubaine pour la diffusion et l’apport du financement de films d’horreur ?
Alexandre Bustillo : Je pense qu’en termes de financement c’est un peu mort, par contre pour la diffusion et se faire connaitre c’est clair que c’est incroyable internet. Ça peut vraiment changer le destin d’un film. Je pense que demain il y aura des films destinés au Web comme actuellement il y a des films destinés uniquement au marché de la vidéo.
Critique-film : Et vous, est-ce que vous lisez des Webzines ou vous préférez rester sur les magazines papier ?
Alexandre Bustillo : Moi j’ai bossé 10 ans à Mad Movies donc je suis très presse papier. Mais je pense que c’est complémentaire. On est sur les forums pour voir ce qu’il se dit. Par exemple pour Livide on regarde toutes les critiques qui sont déjà présentes et on aime aller sur les festivals pour savoir ce que le public pense de nos films.
Julien Maury : Sur le net je vais chercher autre chose que sur le papier. J’ai mes sites et je cherche les news et d’autres infos que celles présentes sur les magazines papier.
Merci à Julien Maury et Alexandre Bustillo pour leur disponibilité. Interview réalisée par Julien Mathon et François Zeller pour Critique-film.fr
Pas un mot sur l’arnaque Motion sponsor ?
Je ne comprends pas la question ?
Le film « Livide » était sur Motion Sponsor. J’avais adoré « A l’intérieur » alors j’ai misé 100 €. Le projet n’a jamais atteint son but et normalement on devait être remboursé car la somme n’a pas été utilisé pour la production du film. Mais que dalle, aussi réponse au email et depuis le site a fermé.
Les internautes pouvaient investir par le biais de MS dans des productions françaises, dont « Livide ».
Le site a fermé.
Des montages financiers n’ont pas eu lieu : pas de nouvelles
(à part peut être X. Gens sur « The divide » : voir http://www.facebook.com/groups/193689744015968/ )
Des films ont rapporté (La Horde) : pas de retombées