Berlinale 2016 : Fukushima mon amour

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Fukushima mon amour

Allemagne, 2016
Titre original : Grüße aus Fukushima
Réalisateur : Doris Dörrie
Scénario : Doris Dörrie
Acteurs : Rosalie Thomass, Kaori Momoi, Moshe Cohen
Distribution : Bodega Films
Durée : 1h44
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 1er février 2017

Note : 3/5

Plutôt méconnue en France, la réalisatrice Doris Dörrie est pourtant depuis plus de trente ans une formidable chroniqueuse de l’Allemagne. Elle est également une invitée fidèle du Festival de Berlin, où elle vient de présenter son dernier film au Panorama avant sa sortie allemande le mois prochain. Espérons que le public français n’aura pas non plus à attendre trop longtemps avant de découvrir ce conte d’amitié doux-amer, qui réussit une symbiose touchante entre des événements intimistes – la rencontre de deux femmes de générations et de cultures différentes – et les vestiges du cataclysme qui a frappé le Japon en mars 2011. Dans Fukushima mon amour, Doris Dörrie entreprend une fois de plus avec bravoure le grand écart entre la comédie un peu facile et l’observation d’une civilisation qui l’intrigue au moins depuis Cherry blossoms. Contrairement à ce film-là sorti en 2008, celui-ci se distingue par un certain optimisme, même si quelques éléments surnaturels le poussent imperceptiblement vers le fantastique un brin morbide.

Synopsis : Traumatisée par un drame personnel, Marie se rend au Japon pour y participer en tant que clown à une mission humanitaire. Elle est censée divertir les rescapés du tsunami et de la catastrophe nucléaire de Fukushima, qui habitent depuis dans des foyers provisoires. Désemparée face au public de personnes âgées, Marie quitte le programme. Elle s’apprête à rentrer en Allemagne, quand elle change d’avis et passe voir Satomi, une ancienne geisha qu’elle avait déposée plus tôt en voiture près de son ancienne maison, en pleine zone contaminée.

Vacances radioactives

Un de nos thèmes de prédilection, la dissection du comportement totalement inadapté des Américains à l’étranger, est astucieusement varié dans Fukushima mon amour. Cette fois-ci, c’est une Allemande qui éprouve le plus grand mal à s’adapter aux us et coutumes d’une culture qui lui est parfaitement inconnue. D’abord, elle ne fait pas le moindre effort pour comprendre ses hôtes, en digne héritière d’un chauvinisme omniprésent dans la plupart des pays occidentaux. Cette crise de nombrilisme accrue est certes le résultat d’un contretemps récent dans sa vie privée. Mais son attitude névrosée et facilement agacée face aux obstacles ne nous paraît guère exceptionnelle, dans le contexte du comportement toujours un peu naïf et hypocrite de nos chers compatriotes en mode touriste. Ce portrait au vitriol d’une femme mal dans sa peau se nourrit également de sa volonté de disparaître, au sens propre comme au sens figuré, dans une communauté aux traits diffus. Or, dans la plus pure tradition de l’exorcisme existentiel, Marie ne pourra se réconcilier avec elle-même qu’à condition de faire face à ses erreurs du passé.

La geisha et l’éléphant

Le vecteur pratiquement exclusif de ce changement vers plus de sérénité est une vieille dame japonaise, de retour dans le désert de la destruction qui était auparavant son foyer. Bien sûr, ces deux compagnes de fortune ne pourraient pas être plus différentes l’une de l’autre, mais le charme indéniable de l’intrigue provient aussi de cette opposition assez caricaturale dont les angles s’arrondissent progressivement. La narration s’emploie ainsi à nous faire découvrir petit à petit les secrets enfouis de ces femmes mal assorties. Elle y parvient accessoirement grâce à la belle photographie en noir et blanc de Hanno Lentz, mais surtout en promouvant la plus généreuse des amitiés, au-delà des origines et de l’âge. Heureusement, le bout de chemin que Marie et Satomi font ensemble ne prend jamais l’allure d’une parabole édifiante. Il plane au contraire sur ce film une volonté de partage difficile à mettre en œuvre, quoique très séduisante dans ses égarements, ses prises de distance temporaires, voire ses fréquentations surprenantes avec le monde des morts.

Conclusion

Doris Dörrie réussit haut la main son retour au Japon avec Fukushima mon amour, un film au moins aussi respectueux de la culture du pays du Soleil-Levant que Cherry blossoms. Elle y fait en douceur le procès de toutes sortes de préjugés, par le biais d’une histoire au déroulement certes prévisible, mais portée avec une conviction irrésistible par les deux actrices principales Rosalie Thomass et Kaori Momoi.

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