Critique : Félix et Meira

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Félix et Meira

Canada, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Maxime Giroux
Scénario : Maxime Giroux et Alexandre Laferrière
Acteurs : Martin Dubreuil, Hadas Yaron, Luzer Twersky
Distribution : Urban Distribution
Durée : 1h45
Genre : Drame
Date de sortie : 4 février 2015

Note : 4/5

Face au très médiatisé Mommy de Xavier Dolan figure un autre film canadien, au sujet plus social mais au traitement intimiste, le Félix et Meira de Maxime Giroux. Récompensé par le prix du meilleur film canadien au Festival International du Film de Toronto en 2014, tourné à Montréal après un important travail de documentation, le film ose mettre en scène l’improbable relation que noue une femme juive hassidique avec un Québécois francophone et sans confession.

Synopsis : Tout oppose Félix et Meira. Lui mène une vie sans responsabilité ni attache. Son seul souci, dilapider l’héritage familial. Elle est une jeune femme juive hassidique, mariée et mère d’un enfant, s’ennuyant dans sa communauté. Rien ne les destinait à se rencontrer, encore moins à tomber amoureux.

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Diversité et clivage, une réalité de la société Québécoise

Si le film ne devait avoir qu’une teinte, ce serait la blancheur. Blancheur du quartier enneigé de Mile End, à Montréal, où se côtoient silencieusement toutes les communautés. La blancheur ambiante, le silence glaçant des rues, figurent parfaitement l’ignorance mutuelle dans laquelle vivent – quoique pacifiquement – les Juifs hassidiques et les autres Montréalais. Une ignorance et une incompréhension mutuelles qui constituent aujourd’hui un véritable problème de société au Québec.
Dans la rue où ils habitent tous les deux, Félix croise chaque jour, avec sa poussette et son enfant, une jeune femme juive hassidique du nom de Meira. Lui appartient à cette haute société montréalaise aisée voire matérialiste, désabusée, sans valeur familiale ni spirituelle, encore moins religieuse. Elle, faisant partie intégrante de la communauté juive hassidique, vit avec son mari et son unique enfant dans l’ennui et l’observance des règles. Tous les jours, Félix la salue, en simple voisin, allant même jusqu’à offrir un dessin pour l’enfant. Mais Meira ne peut ni lui répondre ni même regarder cet homme dans les yeux.

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Les plans de la maison de Meira et de son mari sont comme autant d’incursions à l’intérieur d’un monde qui n’est que très rarement représenté, a fortiori au cinéma. On y découvre un mari très pieux, affectueux et prévenant, quoique complètement étranger aux rares besoin d’amusement d’une femme qu’il a infantilisée. L’attention de Maxime Giroux aux détails de la vie moderne auxquels s’opposent les Juifs hassidiques – musique pop, pilule contraceptive, blue-jeans,… – témoigne d’un souci documentaire précieux. Malgré leur différence d’âge et leur absence de discussion, une complicité discrète s’insinue tout de même au fil du film entre le mari et la femme, qui donne lieu à des scènes assez drôles, mais d’une drôlerie attendrissante et triste.

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Le départ irréversible : métamorphose et émancipation

Le rythme de la narration du film ne peut qu’adopter la nécessaire lenteur de la relation qui se noue entre deux personnages aux représentations, aux croyances et aux modes de vie si différents. Félix et Meira est l’histoire de la recherche d’une harmonie toujours contradictoire entre deux personnes que tout oppose. La décision de Meira de s’ouvrir à l’amitié que lui offre Félix – dont l’escalier parsemés de joyeux dessins colorés confirme la sympathie – ne peut qu’opérer un changement profond du personnage, si ce n’est une véritable métamorphose.

Martin Dubreuil

Meira a si profondément intériorisé les interdits de sa communauté que la rencontre avec Félix opère chez elle une lente mais une véritable métamorphose. L’actrice israélienne Hadas Yaron, remarquable dans son jeu, ne révèle que petit à petit la transformation qui modèle le visage et le corps de son personnage. Meira transgresse la première règle en regardant Félix dans les yeux. Elle se dote alors d’un véritable regard. Aussi se découvre-t-elle un autre corps quand elle enfile pour la première fois un pantalon, et une joie de vivre inédite à l’écoute d’une musique sud-américaine. Elle découvre surtout l’amour, qui transforme les deux personnages. Mais à nouveau, cela se produit sans excès, dans une sorte de douceur, de blancheur sereine, exactement de la même façon que Martin Dubreuil et Hadas Yaron mesurent leurs jeux pour éviter toute exacerbation mélodramatique.

Hadas Yaron

Sans complaisance envers son orthodoxie stricte, Maxime Giroux ne stigmatise pas pour autant la communauté hassidique qui constitue presque un personnage à part entière du film. À travers le personnage du mari, elle doit aussi accepter un changement, voire une ouverture. Certes, si Meira quitte la communauté, ce sera de façon définitive. Cependant, elle ne sera pas jetée comme une impie. Félix et Meira est le rêve d’un dialogue possible.

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Conclusion

Martin Dubreuil et Hadas Yaron forment un formidable couple d’acteurs pour incarner, dans un film qui sonne juste, un couple plein de contradictions à la recherche constante d’une harmonie. Félix et Meira sonne juste parce qu’il ne montre le départ de Meira ni comme un obstacle absolu au bonheur, ni comme une échappée facile, la fin posant plus de questions qu’elle n’en résout sur la possibilité d’un vivre ensemble.

 

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