Critique : La Visita

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La Visita

la visita afficheChili, argentine : 2014
Titre original : –
Réalisateur : Mauricio López Fernández
Scénario : Mauricio López Fernández
Acteurs : Daniela Vega, Rosalinda Ramirez, Claudia Cantero
Distribution : Outplay
Durée : 1h22
Genre : Drame
Date de sortie : 11 mai 2016


Note : 4/5

Après la génération qui a vu l’émergence de Patricio Guzmán, Alejandro Jodorowsky  et Raoul Ruiz, le cinéma chilien investit de plus en plus les festivals du monde entier avec des réalisateurs qui n’ont pas encore le demi-siècle : Andrés Wood, Pablo Larrain, Alejandro Fernandez Almendras, Cristián Jimenez. Mauricio López Fernández, le réalisateur de La Visita, est encore plus jeune : tout juste 30 ans. Plus jeune et très prometteur.

 

Synopsis : Coya est domestique au sein d’une famille chilienne catholique et conservatrice. Dans la grande demeure bourgeoise, patrons et employés cohabitent sous le même toit. La mort du mari de Coya va occasionner une visite inattendue qui va bouleverser l’ordre apparent…

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Un retour qui embarrasse

Une grande demeure dans la province chilienne. Dans cette maison, les domestiquent vivent aux côtés de leurs patrons. Le mari de Coya, la plus âgée des deux domestiques, vient de mourir et il repose à l’étage dans sa tenue militaire. Tous deux ont eu un enfant et cet enfant, parti il y a déjà longtemps, revient à l’occasion des funérailles de son père. C’est Felipe qui était parti et c’est Elena qui revient. Dès son arrivée, le malaise s’installe. Comment cette maisonnée pleine de crucifix, confite en religion et qui baigne dans le conformisme, comment va-t-elle accueillir cette jeune femme qui a osé défier la nature, va-t-elle réussir à l’accepter ? Comment Coya, sa mère, va-t-elle vivre ce retour, particulièrement dans ce moment si difficile ?

 

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Aux antipodes d’Almodovar

 Le phénomène de la transsexualité a déjà été abordé au cinéma mais rarement avec autant de pudeur et de sobriété que dans La Visita. Au point que si un moment d’inattention au début du film vous a fait manquer la très, très brève réplique entre Teresa, la maîtresse de maison, et sa domestique Coya, réplique qui permet de saisir qu’Elena, la jeune femme qui vient d’arriver, s’appelait Felipe quelques années auparavant, vous risquez fort de passer à côté du film, et vous vous contenterez de vous interroger tout du long sur le caractère androgyne de la progéniture de Coya. A la vision du film, on s’étonne d’avoir vu apparaître chez certains des rapprochements avec Pedro Almodovar. Certes, La Mauvaise Education avait pour titre La Visita lorsqu’il était encore à l’état de projet. Certes, La Visita prend place dans un milieu presque uniquement féminin, comme c’est très souvent le cas chez Almodovar. Par contre, la façon de filmer de Mauricio López Fernández se situe aux antipodes de ce que propose traditionnellement Almodovar : chez le réalisateur chilien, aucune situation excessive, aucune exubérance, aucune scène improbable, aucune extravagance, on est dans la retenue la plus stricte, avec une caméra quasiment statique et l’absence totale de musique d’accompagnement (les seules musiques qu’on entend, de façon très parcimonieuse et avec un volume sonore très faible, proviennent d’un poste de radio). Dans La Visita, des « détails » sont suggérés avec beaucoup de finesse, rien n’est appuyé. D’autres « détails » sont carrément laissés dans le flou : il  semble bien qu’Enrique, le mari de Teresa, trompe sa femme ; le mari de Coya repose dans son uniforme militaire : avait-il, par ailleurs, une fonction dans la maison ? Non, si vraiment on cherche à tout prix un réalisateur ou une réalisatrice à qui comparer Mauricio López Fernández, ce n’est pas vers Pedro Almodovar qu’il faut se tourner mais plutôt vers la réalisatrice argentine Lucrecia Martel.

 

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Excellente Daniela Vega

C’est à une véritable transsexuelle que Mauricio López Fernández a fait appel pour interpréter le rôle d’Elena. Elle s’appelle  Daniela Vega et, avant de tourner dans La Visita, elle s’était fait connaître en tournant dans le clip de la chanson « Maria », un succès du chanteur chilien Manuel García. C’est avec un jeu tout en finesse et en retenue qu’elle démontre aux spectateurs combien sa situation est difficile, avec ce désir d’affirmer sa féminité à la maisonnée tout en désirant être acceptée pour ce qu’elle est devenue. Le reste de la distribution est constitué de comédiens et de comédiennes chiliens et argentins. A part Claudia Cantero, qui interprète le rôle de Mme Tété (Teresa) et qui avait un rôle important dans La femme sans tête de … Lucrecia Martel, film produit par … Pedro Almodovar, leur notoriété n’a pas atteint notre pays, ce qui ne les empêche pas d’être excellents !


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Conclusion

C’est avec une très grande sobriété que le jeune réalisateur Mauricio López Fernández introduit le spectateur dans une famille chilienne de la bourgeoisie provinciale, une famille engluée dans la religion et la tradition et qui a beaucoup de mal à accueillir le retour du fils de leur bonne Coya, un fils qui se prénommait Filipe lorsqu’il est parti et qui, lorsqu’elle revient, est devenu Elena. Cette sobriété et le fait, plutôt rare au cinéma, d’avoir choisi une véritable transsexuelle pour interpréter le rôle d’Elena donnent au film une grande crédibilité et permettent de ressentir combien sa situation est difficile à vivre.

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