Elles
France, 2015
Titre original : –
Réalisateur : Malgorzata Szumowska
Scénario : Tine Byrckel, Malgorzata Szumowska
Acteurs : Juliette Binoche, Anaïs Demoustier, Joanna Kulig
Distribution : Haut et Court
Durée : 1h36
Genre : Drame psychologique
Date de sortie : 1 février 2012
Note : 3/5
La réalisatrice Malgorzata Szumowska ne choisit pas la facilité pour son premier long-métrage tourné en France, après trois autres tournés en Pologne d’où elle est originaire. Cette étude étonnante de la prostitution déjoue les clichés attendus. Elle ne raconte pas le trajet dramatique de victimes mais montre des femmes qui prennent du plaisir à vendre leurs corps et s’en servent pour s’éloigner de la pauvreté, de la misère à laquelle elles étaient promises.
Synopsis : Journaliste pour la revue Elle, Anne n’a que vingt-quatre heures pour rendre un article sur la prostitution dans le milieu étudiant. En se replongeant dans ses entretiens avec Alicja et Charlotte, elle revit ces rencontres qui l’ont bouleversées et remettent en cause ses certitudes de femme bourgeoise bien trop sage.
Une représentation crue de la prostitution estudiantine
L’attitude de ces jeunes femmes est à la fois désinvolte, comme lorsque Charlotte se plaint des odeurs après une scène de fellation et qu’elle explique que c’est l’odeur de la pauvreté, des grands immeubles et froids qu’elle ne supporte plus. Choix audacieux, surtout en France, où la productrice a eu du mal à trouver des financements en raison de cette approche plutôt originale sur un sujet rebattu. Comme le spectateur de ce film, la journaliste n’obtient pas de ses interlocutrices ce qu’elle en attendait et c’est déstabilisant. L’approche est documentaire, avec ces anecdotes réalistes racontées par celles qui sont presque encore des adolescentes, avec une part d’irréel car ce que l’on voit à l’écran ne sont pas des flash-backs, mais des images qui sortent des fantasmes de la narratrice coincée dans une vie bien trop classique. Ces images sont souvent très crues et la réalisatrice n’élude rien, grâce à la performance de ses occasionnelles.
La brune est Anaïs Demoustier, découverte grâce à L’année suivante de Isabelle Czajka et Les grandes personnes de Anne Novion, à la joie de vivre communicative. Elle désamorce les scènes les plus glauques, sans en cacher ce que cela peut avoir de dur. Les performances tournées après ce long-métrage, tourné en 2011, n’ont fait que conforter son talent évident, ne citons que Bird People de Pascale Ferran, Une nouvelle amie de François Ozon, À trois on y va de Jérôme Bonnell, Caprice d’Emmanuel Mouret ou Marguerite et Julien de Valérie Donzelli, offrant tous des variations de son talent. La blonde est Joanna Kulig, remarquée dans le désastreux La Femme du Vème auquel elle apportait une mélancolie et une douceur appréciables, justifiant à elle seule la vision de ce film. Elle est profondément touchante, plus dure que sa ‘collègue’.
Une journaliste trop maternelle
Le duel feutré de Alicja avec la journaliste interprétée par Juliette Binoche vire presque au burlesque dans une scène de dégustation de pâtes et de vodka en série. La comédienne oscarisée pour Le Patient Anglais trouve un vrai beau rôle et son rire se fait à nouveau entendre de belle façon. Sa tentation de materner ces très jeunes femmes, encore un peu adolescentes, est un leurre. Sa vie trop raisonnable, riche en compromis lui saute à la figure et le récit s’attache aussi à la voir prendre en compte plus ouvertement ses propres désirs ou frustrations. Dans le rôle de son mari, le toujours épatant Louis-Do de Lencquesaing confirme ici qu’il est l’un des atouts majeurs du cinéma français contemporain. Il sait se faire désinvolte mais aussi plus impliqué lorsque la scène l’exige. Marié à Anne, il n’est jamais une caricature, mais simplement pris dans l’urgence de son quotidien. Leurs scènes en commun montre un couple crédible empêtré dans ses contradictions.
Si le sujet est sombre, l’humour transparaît de façon surprenante, autour d’une porte de frigo qui ferme mal ou d’un guitariste bien particulier, évitant de plomber un film dont le thème permettait les excès de noirceur. La scène du repas final autour de la chanson « Les Feuilles Mortes » est à la limite du ridicule mais a le mérite de désarçonner. La mise en scène révèle alors le procédé central de façon plus claire en incluant un protagoniste des scènes narrées par les jeunes femmes dans l’entourage de la journaliste. Attention, les scènes de sexe ne sont pas filmées avec des pincettes et peuvent déranger, à bien des niveaux.
Conclusion
Elles a le mérite d’être différent de ce que l’on voit sur des thèmes similaires, maladroit certes parfois, mais qui mérite le coup d’oeil car il ne cherche jamais à être aimable ou facile, et évite des chemins maintes fois empruntés.
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