Foxcatcher
États-Unis : 2014
Titre original : Foxcatcher
Réalisateur : Bennett Miller
Scénario : E. Max Frye, Dan Futterman
Acteurs : Steve Carell, Channing Tatum, Mark Ruffalo
Distribution : Mars Distribution
Durée : 2h14
Genre : Biopic, Drame
Date de sortie : 21 janvier 2015
Note : 4/5
C’est une grande première pour le réalisateur américain Benett Miller de se retrouver en compétition au Festival de Cannes. Le réalisateur est pourtant un habitué des récompenses avec notamment ses deux biopics Le Stratège et Truman Capote.
Synopsis : Inspiré d’une histoire vraie, Foxcatcher raconte l’histoire tragique et fascinante de la relation improbable entre un milliardaire excentrique et deux champions de lutte.
Lorsque le médaillé d’or olympique Mark Schultz est invité par le riche héritier John du Pont à emménager dans sa magnifique propriété familiale pour aider à mettre en place un camp d’entraînement haut de gamme, dans l’optique des JO de Séoul de 1988, Schultz saute sur l’occasion : il espère pouvoir concentrer toute son attention sur son entraînement et ne plus souffrir d’être constamment éclipsé par son frère, Dave. Obnubilé par d’obscurs besoins, du Pont entend bien profiter de son soutien à Schultz et de son opportunité de « coacher » des lutteurs de réputation mondiale pour obtenir – enfin – le respect de ses pairs et, surtout, de sa mère qui le juge très durement.
Flatté d’être l’objet de tant d’attentions de la part de du Pont, et ébloui par l’opulence de son monde, Mark voit chez son bienfaiteur un père de substitution, dont il recherche constamment l’approbation. S’il se montre d’abord encourageant, du Pont, profondément cyclothymique, change d’attitude et pousse Mark à adopter des habitudes malsaines qui risquent de nuire à son entraînement. Le comportement excentrique du milliardaire et son goût pour la manipulation ne tardent pas à entamer la confiance en soi du sportif, déjà fragile. Entretemps, du Pont s’intéresse de plus en plus à Dave, qui dégage une assurance dont manquent lui et Mark, et il est bien conscient qu’il s’agit d’une qualité que même sa fortune ne saurait acheter.
Entre la paranoïa croissante de du Pont et son éloignement des deux frères, les trois hommes semblent se précipiter vers une fin tragique que personne n’aurait pu prévoir…
Faible sur le papier
Alors certes on connaît le talent de Bennett Miller pour la mise en scène de biopic, mais Foxcatcher ne fait pas franchement rêver sur le papier. D’abord car l’histoire de ces deux frères lutteurs qui s’entrainent pour conserver leur médaille Olympique aux prochains jeux n’a rien de véritablement fascinant. Ensuite car le casting composé de Channing Tatum et Steve Carell laisse songeur…
Et pourtant c’est bien son casting qui permet à Foxcatcher de prétendre à la palme tant le trio d’acteurs Channing Tatum / Mark Ruffalo / Steve Carell est parfait. Bennett Miller confirme son statut de grand directeur d’acteurs, lui qui a déjà permis à Philip Seymour Hoffman de décrocher un Oscar pour son interprétation dans Truman Capote et à Brad Pitt d’obtenir une nomination pour l’Oscar du meilleur acteur avec Le Stratège (après le réalisateur n’y est pour rien si Brad Pitt est boudé par l’académie).
C’est bien le trio de personnage qui donne tout le relief à Foxcatcher. Dave (Channing Tatum) et son frère Mark Schultz (Mark Ruffalo) se retrouvent face à John du Pont (Steve Carell) pour une association qui va tourner au cauchemar. C’est toujours juste, les dialogues font mouches et l’intensité reste totale du début à la fin. La bande son minimaliste, se résume à quelques notes de piano qui viennent accompagner certaines scènes clés.
Un casting en or
Steve Carell est méconnaissable dans le peau du milliardaire John du Pont. L’acteur véritablement transformé pour le rôle glacera le sang des spectateurs avec son jeu imprévisible, le prix d’interprétation masculine lui tend les bras. Grosse surprise également, Channing Tatum, qui se révèle excellent dans ce rôle de catcheur qui, il faut bien l’admettre, lui correspond parfaitement physiquement. Mais au delà du physique, Tatum impose son talent et transmet des émotions avec un réalisme sensationnel. Enfin Mark Ruffalo n’a pas à rougir de sa prestation plus en retrait mais toujours juste.
Un éventail ambigu de valeurs américaines est condensé avec ingéniosité dans le troisième film de Bennett Miller. Les fondements mêmes de la société des Etats-Unis y sont interrogés sur un ton singulièrement distinct des morceaux de propagande que le cinéma hollywoodien a tendance à produire sans relâche. Dans Foxcatcher, il est question d’ambition, de solidarité et d’esprit d’équipe, de générosité et de reconnaissance, mais également d’une violence sourde et d’un malaise psychologique que toutes les richesses du monde ne suffiraient pas à éponger. Ce conte d’un investissement malheureux dans le sport est évoqué sur un ton étrangement calme, comme si les enjeux considérables de l’histoire n’avaient pas besoin d’être appuyés davantage. De cette forme de narration en retrait résulte un film à la vacuité apparente, qui profite pourtant des liens au mutisme conflictuel entre les trois personnages principaux pour mieux souligner les pieds d’argile du rêve typiquement américain de la réussite. Enfin, côté interprétations, l’exploit le plus bluffant est à mettre sur le compte de Steve Carell, qui disparaît complètement dans un rôle subtilement inquiétant. 3/5